CFM : Avis N°2018/01 relatif à l’assujettissement à la TVA des fabricants et prestataires réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 dhs
1. Mesure:
La loi de finances de l’année de 2017 a introduit une nouvelle modification portant clarification des conditions de bénéfice de l’exonération prévue par l’ancien article 91-II-1 du CGI relative aux ventes et prestations réalisées par les petits fabricants et les petits prestataires réalisant un chiffre d’affaires annuel égal ou inférieur à 500.000 dirhams.
La nouvelle disposition a abrogé l’ancien article 91 (II-1°) au profit de l’article 89-2-c rédigé comme suit :
« Article 89-Opérations obligatoirement imposables
I.- Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée :
2°- les opérations de vente et les prestations de services réalisées par :
c) les fabricants et prestataires de services dont le chiffre d’affaires taxable réalisé au cours de l’année précédente est égal ou supérieur à cinq cent mille (500.000) dirhams. »
1.1. Objectif de la mesure:
L’objectif de la mesure tel qu’expliqué par l’administration fiscale dans sa circulaire N°727 est de supprimer la notion de « petit fabricant » et « petit prestataire » sujet à diverses interprétations, à l’origine de plusieurs contentieux, et de la remplacer par le seuil de chiffre d’affaires.
De cette manière, le législateur passe d’une notion subjective de qualification à une notion objective basée sur le chiffre d’affaires.
1.2. Problématiques rencontrées:
Le nouveau texte soulève plusieurs questions relatives à sa cible et ses modalités d’application.
1.2.1. Qui est concerné ?
La position du texte au paragraphe c du 2ème alinéa de l’article 89-I implique que seule l’alinéa 2 soit concerné et par conséquent les alinéas suivants ne sont pas concernés par le seuil de 500.000 dirhams. Il s’agit notamment des activités suivantes :
« 4°- les travaux immobiliers, les opérations de lotissement et de promotion immobilière ;
5°- les opérations d’installation ou de pose, de réparation ou de façon ;
9°- les opérations d’hébergement et/ou de vente de denrées ou de boissons à consommer sur place;
10°- a) les locations portant sur les locaux meublés ou garnis et les locaux qui sont équipés pour un usage professionnel ainsi que les locaux se trouvant dans les complexes commerciaux (Mall) y compris les éléments incorporels du fonds de commerce ;
b) les opérations de transport, de magasinage, de courtage, les louages de choses ou de services, les cessions et les concessions d’exploitation de brevets, de droits ou de marques et d’une manière générale toute prestation de service ;
11°- les opérations de banque et de crédit et les commissions de change ; »
L’administration fiscale précise dans la circulaire 727 que les opérations de locations de locaux à usage professionnel sont situées hors champ d’application de la TVA, lorsque le chiffre d’affaires annuel taxable est inférieur à 500.000 dirhams. L’alinéa 10-a serait donc concerné par le seuil !
Dans sa réponse N°1775 à une question de l’organisation professionnelle des comptables agréés afférente aux restaurants, cafés, snacks, loueurs de voitures et transporteurs touristiques, l’administration fiscale affirme que l’élément déterminant pour la qualification du petit fabricant et petit prestataire est le seuil du chiffre d’affaires taxable réalisé de 500.000 dirhams.
L’administration fiscale retient donc le chiffre d’affaires comme seul critère mais réemploi les termes « petits fabricants et petits prestataires », pourtant supprimés par le législateur. On peut donc en conclure que l’alinéa 9 serait concerné par le seuil de 500.000 dirhams.
Devant l’ambiguïté du texte et des interprétations diverses de l’administration fiscale les contribuables et leurs conseils n’arrivent pas à déterminer les activités concernées par le seuil de chiffre d’affaires de 500.000 dirhams.
1.2.2. Quelles sont les modalités d’applications ?
Lorsque le fabricant ou prestataire devient assujetti à la TVA (CA supérieur ou égal à 500.000 Dirhams) :
– Peut-il récupérer la TVA sur le stock qu’il possède au 31/12/N-1 ?
– Peut-il récupérer une fraction de TVA sur les immobilisations acquises pendant la période de non assujettissement (changement d’affectation) ?
– Lors de la création comment peut-on donner la qualification de petites unités de fabrication (terme utilisé dans la réponse de la DGI) ? Cette condition ne figure nulle part au niveau du CGI ?
– Lors de la création, un fabricant ou prestataire de service (qui ne connait pas encore son chiffre d’affaires), peut-il opter pour l’assujettissement à la TVA ? si oui quelle est sa date d’effet : date de création ou 30 jours après la demande d’option ?
– Lorsqu’un fabricant ou prestataire de services a réalisé au cours de l’année de création un chiffre d’affaires inférieur à 500.000 dirhams, peut-on remettre en cause son assujettissement s’il n’a pas formulé la demande lors de la création ?
Compte tenu des problématiques tant au niveau de son champ d’application qu’au niveau les modalités de son application, le Cercle des Fiscalistes du Maroc tente d’apporter à travers la présente réflexion une contribution visant à améliorer ce nouveau dispositif.
2. Avis du Cercle des fiscalistes du Maroc:
2.1. Qui est concerné ?
L’objectif du législateur était d’instaurer un seuil de chiffre d’affaires en deçà duquel un prestataire de service ou un fabricant est exonéré de TVA afin d’éviter toute interprétation de la notion de petit fabricant et de petit prestataire, sources de plusieurs contentieux entre l’administration fiscale et le contribuable.
Il est clair que la rédaction du texte ne remplit pas cet objectif, preuve en est le nombre de questions posées depuis l’entrée en vigueur de la mesure.
En effet, comment expliquer que l’administration fiscale soumette à ce dispositif les activités de restaurateur alors même que le code général des impôts ne le prévoit pas ? En effet, l’alinéa 9 de l’article 89-I relatif à l’activité de restauration est indépendant de l’alinéa 2 prévoyant le seuil de 500.000 dirhams.
A notre avis, l’ambigüité provient de la position de cette nouvelle disposition au sein de l’article 89-I. Il devrait à notre avis être positionné à l’article 91 comme suit :
« Article 91.- Exonérations sans droit à déduction
Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :
XI. Les opérations de vente et les prestations de service réalisées par les fabricants et prestataires à l’exclusion des activités citées à l’article 89-I-12, dont le chiffre d’affaires taxable réalisé au cours de l’année précédente est égal ou inférieur à cinq cent mille (500.000) dirhams.
Lorsque ces contribuables deviennent assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, ils ne peuvent remettre en cause leur assujettissement que lorsqu’ils réalisent un chiffre d’affaires inférieur auxdits montants pendant trois (3) années consécutives ».
2.2. Quelles sont les modalités d’application ?
Les modalités d’application prévues dans le cadre de cet avis seraient à appliquer à compter du 1er janvier 2019.
2.2.1. Proposition de base:
N’ayant pas d’exercice de référence les entreprises nouvellement créées doivent être placées par défaut sous le régime de l’article 91-XI, exonération sans droit à déduction. Ces entreprises auraient toutefois la possibilité d’opter pour l’assujettissement à la TVA.
2.2.2. Conséquences:
Cas N°1 : Entreprise nouvelle (créée au cours de l’année N) n’ayant pas opté pour la
TVA
Formalité à effectuer en matière de TVA : Aucune
Si le chiffre d’affaires réalisé au 31/12/N est inférieur à 500.000 dirhams, l’entreprise demeure exonérée sans droit à déduction.
Si le chiffre d’affaires réalisé au 31/12/N est supérieur à 500.000 dirhams, l’entreprise doit déclarer la TVA au titre du premier trimestre N+1, tout en déposant à l’administration fiscale avant le 30/04/N+1:
o Une liste des clients débiteurs arrêtés au 31/12/N
o Une liste des fournisseurs créditeurs arrêtés au 31/12/N
o Un état des stocks arrêté au 31/12/N
o Un état des immobilisations au 31/12/N
Cas N°2 : Entreprise nouvelle (créée au cours de l’année N) ayant opté pour la TVA
Formalité à effectuer en matière de TVA :
o Demande d’option à prévoir dans l’espace Simpl TVA dans les 3 mois suivant la date de création de l’entreprise. A défaut, la déclaration de TVA vaut option.
o Déclaration et paiement de la TVA mensuelle ou trimestrielle.
Cas N°3 : Entreprise existante à la date de la mise en vigueur de la nouvelle
disposition
Entrée et sortie du régime:
Si le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise au cours des trois dernières années ne dépasse pas 500.000 dirhams et que l’entreprise souhaite sortir de l’assujettissement à la TVA elle doit :
Aviser l’administration fiscale par une déclaration à prévoir sur Simpl au plus tard le 31 mars de l’année qui suit la troisième année consécutive de réalisation de chiffre d’affaires inférieurs à 500.000 Dirhams ;
Joindre à cet avis :
o Une liste des clients débiteurs arrêtés au 31/12/N
o Une liste des fournisseurs créditeurs arrêtés au 31/12/N
o Un état des stocks arrêté au 31/12/N
o Un état des immobilisations au 31/12/N
Continuer à déposer (et payer) les déclarations de TVA jusqu’à apurement des encaissements client arrêtés au 31/12/N. Le crédit éventuel reste reportable jusqu’à nouvel assujettissement.
NB : Pour les entreprises ayant moins de 3 années d’existence, le chiffre d’affaires à prendre en
compte est celui de l’année ou des deux années précédentes.
2.2.3. Exemple
Un contribuable a réalisé un CA au cours de l’année 2018 de 415.000 dirhams (CA réalisé en 2016 et 2017 est respectivement de 260.000 et 370.000,00 dirhams).
– Le compte client au 31/12/2018 s’élève à 120.000 dirhams (dont 72.000 dirhams encaissé en janvier 2019 et 48.000 dirhams en avril 2019)
– La TVA restant à récupérer s’élève à 30.000 dirhams (dont 5.000 dirhams à récupérer le 1er trimestre 2019 et 25.000 dirhams le 2ème trimestre 2019).
Démarche à suivre :
a- Le contribuable doit aviser l’administration fiscale avant le 31/03/2019 de son exonération sans droit à déduction.
b- Le contribuable continuera à déposer ses déclarations pour le 1er trimestre et 2ème trimestre
2019 comme suit :
– Déclaration 1er trimestre 2019 : 12.000 dirhams – 5.000 dirhams
TVA DUE A PAYER : 7.000 dirhams
– Déclaration 2ème trimestre : 8.000 dirhams – 25.000 dirhams
CREDIT TVA : 17.000 dirhams
2.3. TVA sur les immobilisations
Suite au changement d’affectation, la TVA sur immobilisations acquises pendant la période d’exonération sans droit à déduction, n’ayant pas été à l’origine récupérable, bénéficie d’un droit de déduction calculé en fonction des années restantes.
2.3.1 Passage de l’exonération sans droit à déduction ou hors champ à la taxation
Exemple :
Un contribuable a acquis en 2017 une machine pour une valeur de 100.000 dirhams.
Le chiffre d’affaires réalisé durant les années 2017 et 2018 est respectivement de 300.000 dirhams
et 620.000 dirhams.
En 2019, le chiffre d’affaires devient taxable (dépassement du seuil de 500.000 dirhams en 2018).
Suite à ce changement d’affectation, d’une activité exonérée sans droit à déduction ou hors champ à une activité taxable, le contribuable doit procéder à une régularisation de TVA sur la machine acquise en 2017
Régularisation = 100.000 x 20% x (3/5) = 12.000 dirhams
Il s’agit dans ce cas d’une déduction à opérer sur la 1ère déclaration de 2019.
2.3.2 Passage de la taxation à l’exonération sans droit à déduction ou hors champ
Exemple :
Un contribuable a acquis en 2016 une machine pour une valeur de 180.000 dirhams.
Le chiffre d’affaires réalisé durant les années 2016, 2017 et 2018 est respectivement de 300.000
dirhams, 360.000 dirhams et 430.000 dirhams.
En 2019, le chiffre d’affaires devient exonéré sans droit à déduction ou hors champ.
Suite à ce changement d’affectation, d’une activité taxable à une activité exonérée sans droit à déduction ou hors champ, le contribuable doit procéder à une régularisation de TVA sur la machine acquise en 2016
Régularisation = 180.000 x 20% x (2/5) = 14.400 dirhams
Il s’agit dans ce cas d’un reversement de TVA à opérer sur la 1ère déclaration de 2019.
2.3.3 Cession ultérieure des immobilisations
Les cessions des immobilisations sont traitées comme suit :
– Cessions pendant la période de taxation :
o Pour les biens meubles : le produit de cession est taxable si la TVA sur acquisition a été déduite.
o Pour les biens immeubles : régularisation de TVA déduite.
– Cessions pendant la période d’exonération sans droit à déduction ou hors champ :
o Pour les biens meubles : le produit de cession n’est taxable vu que la TVA n’a pas été déduite (ou a été déduite et reverser par la suite).
o Pour les biens immeubles : aucune régularisation de TVA vu qu’elle n’a pas été déduite (ou a été déduite et reverser par la suite).
LA COMMISSION JURIDIQUE ET FISCALE / CERCLE DES FISCALISTES DU MAROC
Note du site Tax-News.ma :
Le seuil de 500.000 DHS ne concerne que les personnes physiques(PP) et non plus les personnes morales (PM) suite à la modification de la mesure par la loi de finance pour l’année 2020 (Disposition applicable à compter du 1er Janvier 2020).
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