L’administration traque la sous-déclaration
«L’amnistie réclamée par certains syndicats est irrecevable»
La loi permet de se conformer via des déclarations rectificatives

Depuis quelques semaines, plusieurs professions libérales (médecins, architectes, avocats, topographes, notaires…) font l’objet d’un contrôle fiscal. Les premiers résultats sont effarants: des personnes déclarent un bénéfice net de 200.000 DH, mais après un contrôle fiscal, il s’est avéré que leur patrimoine est sans aucune commune mesure avec ces revenus.
Voici deux exemples réels: un médecin totalise des biens immeubles estimés à 70 millions de DH alors que son bénéfice net déclaré tourne autour de 200.000 DH. Un autre praticien compte pas moins de 23 titres fonciers. Dans les deux cas, comme dans d’autres situations similaires, le fisc demande des explications sur l’énorme fossé entre le revenu et le patrimoine.
Les contrôles touchent actuellement les professionnels. Tous les indicateurs sont passés au crible: le nombre de patients chez un médecin, une clinique, les honoraires des praticiens dans les cliniques… Des recoupements sont effectués entre ce qui a été versé aux médecins, par exemple, et ce qui a été déboursé par les cliniques.
«Les inspecteurs des impôts exigent parfois des factures établies en bonne et due forme par les médecins, avec un numéro de série, leur ICE, les références fiscales, l’adresse, le nom des patients examinés par jour, le montant de la prestation, le mode de paiement…», explique un comptable qui affirme que les contrôleurs réclament parfois des documents papier pour toutes les années non prescrites et ne se contentent pas toujours des fichiers électroniques. L’objectif étant d’avoir une cartographie des transactions.
Dans le cas des médecins, beaucoup seraient fâchés avec la facture. Or, ce
document est obligatoire pour permettre de recouper les recettes et les dépenses. D’où l’impossibilité parfois de remonter les flux, qui peuvent être réduits au minimum. En tout cas, lorsque le vérificateur relève des incohérences au niveau de la comptabilité, il s’appuie sur l’article 213 du code général des impôts (CGI) pour définir une nouvelle base de taxation.
C’est la fameuse reconstitution du chiffre d’affaires que redoutent les
contribuables. Ainsi, lorsque l’administration constate des «irrégularités graves» ayant un impact sur la base imposable, elle reconstitue le chiffre d’affaires sur la base des éléments dont elle dispose. C’est ce qui arrive actuellement avec beaucoup de professionnels qui exercent à titre indépendant. Des discussions ont lieu avec la DGI pour éviter d’aller en contentieux.
Ainsi, le deal vers lequel s’achemine l’administration porte sur la possibilité d’une déclaration rectificative avec des éléments conformes à la réalité (article 221 bis-III du CGI). Le principe consiste à notifier à un contribuable les irrégularités constatées et à lui demander des explications. S’il confirme les éléments détenus par le fisc, il peut alors déposer une déclaration rectificative dans un délai d’un mois au titre des années non prescrites.
En échange, il est exonéré des majorations et des pénalités de retard. L’option concerne toutes les professions libérales.
A l’évidence, certains syndicats de médecins du privé ne s’inscrivent pas dans cette approche et «proposent de payer l’équivalent du montant de l’impôt payé pour l’exercice 2017 et obtenir le quitus pour les 4 années passées». Ce qui reviendrait à une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom ou une contribution libératoire.
Or, une amnistie relève des prérogatives du Parlement et non pas de
l’administration. D’ailleurs, pour annuler les majorations et pénalités de retard au titre des créances fiscales dues avant 2016 et impayées en 2017, il a fallu inscrire la disposition dans la loi de finances. Dans le cas de certains contribuables, il est demandé l’annulation pure et simple du principal et pas seulement des majorations.
Blanchiment d’argent
Plusieurs administrations (DGI, Douane, Office des changes, CNSS, Conservation foncière…) ont interconnecté leur système informatique. Ce qui permet de recouper les informations concernant les contribuables. Et l’une des institutions dont le fisc scrute particulièrement les bases de données est l’Agence de la conservation foncière pour obtenir la liste des biens détenus par une personne et évaluer sa situation financière réelle. L’administration fiscale a déjà annoncé qu’elle accède à toute la base de données des titres fonciers. Les personnes qui faisaient du blanchiment d’argent en investissant dans l’immobilier peuvent maintenant être démasquées par les agents des impôts. Même si les biens immeubles sont immatriculés au nom de membres de la famille.
Source : L’Economiste du 01/11/2018