Conseil National de Comptabilité (CNC) : AVIS N° 13 explicitant les incidences comptables de la pandémie de Covid-19
L’épidémie de Covid-19, qui continue de se répandre dans le monde, est un événement d’une exceptionnelle gravité ayant des conséquences sanitaires, sociales, économiques et financières affectant l’activité économique et sociale en général et celle des entreprises en particulier.
L’Organisation Mondiale de la Sante (OMS) a qualifié, le 30 janvier 2020, cette épidémie d’urgence de sante publique de portée internationale et l’a classée, le 11 mars 2020, en pandémie mondiale.
Afin de contenir la propagation du virus, le Maroc a déclaré l’état d’urgence sanitaire et le confinement pour la période du 20 mars au 20 avril 2020 qui a été prolongée au 20 mai 2020.
Le décret-loi n° 2.20.292 et le décret n°2.20.293 portant sur les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire et aux procédures de sa déclaration ont été publiés, le 24 mars 2020, au bulletin officiel n° 6867 bis.
Les textes précités stipulent, entre autres, que tous les délais précédemment fixés par voie législative ou réglementaire sont suspendus pendant la période d’urgence et que les autorités publiques sont habilitées, a titre exceptionnel, a prendre toute mesure d’ordre économique, financier, sociale ou environnemental pour parer aux effets négatifs de la pandémie.
Dans ces circonstances et outre les mesures de soutien déjà prises en faveur des entreprises en difficulté, le Comité de Veille Economique (CVE) a saisi le Conseil National de la Comptabilité sur l’opportunité de la mise en place d’un cadre comptable approprié, permettant d’adapter les modalités de traitement comptable de certaines opérations au contexte actuel qui revêt un caractère exceptionnel et inédit.
La saisine émanant du CVE porte principalement sur les points suivants :
– Cotisations au Fonds spécial Covid-19: possibilité d’étalement sur plusieurs exercices, étant donné que l’utilisation de ces dons ainsi que les impacts positifs induits par leur affectation vont se prolonger au-delà de l’année 2020 ;
– Dotations aux amortissements des actifs : modalités de suspension des dotations aux amortissements, pour certains biens et pendant cette période de crise, à l’instar des décisions prises pour le report des échéances de crédits aux particuliers et aux entreprises, afin de tenir compte du rallongement de la durée d’utilité généré par la suspension temporaire de l’activité pendant la crise ;
– Frais généraux fixes : possibilité d’étalement de certaines dépenses sur plusieurs exercices, dans la mesure où plusieurs entreprises ont décidé de préserver les emplois et de continuer à payer leurs charges, en dépit du contexte actuel marqué par une très forte baisse voire un arrêt de leurs revenus, afin de mieux préparer la sortie de la crise.
Dans ce cadre, il est rappelé que l’objectif des états de synthèse, formant un tout indissociable, est de donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats des entités.
Pour atteindre l’image fidèle, l’attention est particulièrement attirée sur le respect des principes comptables fondamentaux, notamment ceux de spécialisation des exercices, de prudence et de continuité d’exploitation, tels qu’édictés par la loi n° 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants et le Code Général de la Normalisation Comptable (CGNC) ou par des normes et plans comptables professionnels ou spécifiques.
A cet effet, le Conseil National de la Comptabilité,
-vu le décret-loi n° 2.20.292 et le décret n°2.20.293 portant sur les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire et aux procédures de sa déclaration, notamment son article 5 ;
-vu le décret n° 2.88.19 du 16 novembre 1989 instituant le Conseil National de la Corruptibilité tel que modifié et complété ;
-vu la saisine émanant du Comité de Veille Economique en date du 20 avril 2020 ;
-après examen par le Comité Permanent du Conseil National de la Comptabilité, réuni le 23 avril 2020 ;
EMET L’AVIS SUIVANT
Article 1: Méthodes d’évaluation et de comptabilisation des charges et dépenses spécifiquement liées à la pandémie et supportées au cours de l’exercice clos en 2020
- Les contributions versées par les entités au compte d’affectation spéciale intitule « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus le Covid-19 » institue par le décret n° 2.20.269 du 16 mars 2020 constituent une charge non courante à inscrire au débit du compte 6587 « Contributions au Fonds spécial Covid-19 ».
II est précisé que les impacts positifs induits par l’affectation des contributions collectées par le Fonds vont se prolonger au-delà de l’année 2020.
A titre dérogatoire et exceptionnel et considérant le caractère ponctuel et non récurrent de cette charge et de la possibilité de son importance significative par rapport à l’activité et aux résultats pour être rattachée au seul exercice 2020, les entités concernées ont la possibilité de transférer le montant de cette contribution à l’actif du bilan dans la rubrique « Immobilisation en non valeurs ».
A cet effet, le compte 2128 « Autres charges à repartir sur plusieurs exercices » est débité par le crédit du compte 7597 « Transferts de charges non courantes ».
- A titre dérogatoire et exceptionnel, les entités ont la possibilité d’inscrire a l‘actif du bilan, dans la rubrique « Immobilisation en non valeurs », la quote-part des charges fixes liées à la sous-activité par rapport à la capacité normale de production ou de fonctionnement prévue en 2020.
A cet effet, le compte « Autres charges à repartir sur plusieurs exercices » est débité par le crédit des comptes appropriés de « Transferts de charges » (d’exploitation, financières ou non courantes) à l’instar de ce qui est prévu par le CGNC dans le cas des frais antérieurs au démarrage.
Ces charges, de par leur importance et en raison de leur lien avec le maintien en activité des entités et leur développement après la sortie de crise, peuvent ainsi être étalées sur les exercices futurs.
II s’agit des charges de structure supportées par les entités, pendant la période d’arrêt total ou partiel ou de ralentissement de leurs activités, causées par la pandémie de Covid-19, notamment sous forme de dotations aux amortissements des actifs et de charges locatives ainsi que de charges financières, de redevances de crédit-bail et de charges de structure (charges de personnel liées à l’administration générale et aux fonctions supports).
II est rappels que le CGNC définit :
-la sous-activité comme étant le niveau d’activité de l’ensemble de l’entité ou d’un de ses départements inferieur au niveau prévisionnellement considérés comme « normal » compte-tenu des facteurs techniques et économiques ;
– les charges de structure comme étant relativement fixes lorsque le niveau d’activité évolue, liées à l’existence de l’entité et correspondant, pour chaque période de calcul, à une capacité de production déterminée.
II est précisé que les charges à repartir sont, selon le CGNC, portées à l’actif en raison de leur caractère propre et en vertu d’une décision exceptionnelle de gestion.
Les charges à repartir sont amorties selon les prescriptions du CGNC, aussi rapidement que possible et sur un maximum de 5 exercices.
Si leur montant est significatif, les charges à repartir font l’objet de mentions à l’Etat des Informations Complémentaires (ETIC), en particulier aux états A1, A2, A3 et Bl, conformément aux prescriptions du CGNC.
Il est souligné que l’immobilisation en non-valeurs n’a pas d’incidence sur la situation nette vu que cette dernière est égale a la somme des capitaux propres et des capitaux propres assimiles déduction faite de l’immobilisation en non valeurs comme prévu à l’état C3 de l’ETIC.
II est précisé, sur ce point, que le 2eme alinéa de l’article 330 de la loi n° 17.95 relative aux sociétés anonymes dispose que « hors le cas de réduction du capital, aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque la situation nette est ou deviendrait, à la suite de celle-ci inférieure au montant des capitaux sociaux augmentés des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer ».
Dans le cas ou l’entité reçoit des subventions ou autres aides auprès de l‘Etat, des Collectivités Territoriales, des Etablissements Publics ou des Organismes Sociaux durant cette période, leur montant doit venir en déduction des charges à repartir.
En outre, les entités concernées doivent mentionner dans l’ETIC, notamment au niveau de l’état B9, les engagements pris par elles au titre des subventions et autres aides dont elles ont directement bénéficie ou qui ont bénéficie à leur personnel.
- Les entités appliquant des référentiels ou normes spécifiques peuvent adopter les mêmes modes d’enregistrement et d’évaluation tels que mentionnes aux points 1 et 2 ci-dessus du présent article, en les adaptant à leurs spécificités comptables.
Article 2 : Effets sur réévaluation des risques et des charges rattachés à l’exercice clos au 31/12/2019
Les dispositions du 3ème alinéa de l’article 16 de la loi n° 9.88 sont à observer, à savoir qu’il doit être tenu compte des risques et des charges nés au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même s’ils sont connus entre la date de clôture de l’exercice et celle de l’établissement des états de synthèse ».
Considérant que la pandémie de Covid-19 est un événement qui n’a été décrété et n’a produit ses effets qu’en 2020, les actifs et passifs ainsi que les charges et produits mentionnes respectivement au bilan et au compte de produits et charges au 31 décembre 2019 sont comptabilises et évalués sans tenir compte de cet événement et de ses conséquences.
Article 3 : Information à mentionner dans l’ETIC au titre des événements postérieurs à la date de clôture (31 décembre 2019).
Les considérations suivantes sont à prendre en compte pour servir l’ETIC :
-L’épidémie de Covid-19 est un événement postérieur au 31 décembre 2019 ;
-L’imprévisibilité de l’évolution de cette crise et ses conséquences constituent des incertitudes susceptibles d’affecter la pertinence de l’information comptable telle que présentée au 31 décembre 2019.
L’entité indique cet événement au niveau du tableau II de l’état C5 de l’ETIC intitulé « Evénements nés postérieurement a la clôture de l’exercice, non rattachables à cet exercice et connus avant la première communication externe des états de synthèse ».
Même si la crise n’a aucun effet sur l’activité de l’entité, il en est fait mention dans l’ETIC.
Si la crise à des effets significatifs sur l’entité, il est fait mention dans l’ETIC, autant que possible et en fonction de la disponibilité de l’information, des impacts connus et estimables à la date d’arrêté de ces comptes.
Les informations sur cet événement peuvent être de nature qualitative ou quantitative comme la baisse importante du chiffre d’affaires estimé à la date d’arrêté des états de synthèse, la fermeture de sites de production, le recours à des mesures de réduction du temps de travail, les licenciements, la mise en place de plan de restructuration opérationnelle ou financière ou l’évolution du montant des créances échues non recouvrées ou des dettes échues et non réglées, le redressement ou règlement judiciaire d’un débiteur ou d’un créancier important et l’impossibilité d’approvisionnement ou d’écoulement.
II est également fait mention dans l’ETIC, autant que possible et en fonction de la disponibilité de l’information, des événements favorables atténuant éventuellement les effets de la crise, tels que l’obtention d’aides particulières auprès de l’Etat, les soutiens de la part des bailleurs de fonds, les reports d’échéances fiscales, sociales ou bancaires ou la garantie d’emprunts ou d’avances en trésorerie.
Article 4 : Principe de continuité d’exploitation
Dans le cadre de la loi n° 9.88 relative aux obligations comptables des commerçants, notamment ses articles 16 et 20, l’arrêté des comptes selon le principe de continuité d’exploitation n’est pas remis en cause par des événements ayant pris naissance après la clôture de l’exercice.
Dans l’hypothèse où le principe de continuité d’exploitation serait remis en cause par des événements postérieurs à la clôture, de tels événements relèvent de l’information à mentionner également dans I’ETIC et ne justifient pas la production de comptes en valeurs liquidatives.
Les prescriptions qui précédent s’appliquent aux états de synthèse de l’exercice clos le
31 décembre 2019 ainsi qu’à ceux des exercices clos en 2019 mais avant le 31 décembre dans les cas où les comptes ne sont pas encore arrêtés par l’organe habilite.
Article 5 : Cas des entités dont la date de clôture de L’exercice intervient après le 31 décembre 2019
Si la date de clôture intervient après le 31 décembre 2019 et en application du 3eme alinéa de l’article 16 de la loi n° 9.88 précité, il y a lieu d’observer ce qui suit lors de l’arrêté des comptes:
-les entités dont la date de clôture de l’exercice est intervenue entre le 1er janvier 2020 et le 20 mars 2020 (date de déclaration de l’état d’urgence sanitaire), doivent appliquer le principe de spécialisation des exercices et servir l’ETIC sur les événements postérieurs dans les mêmes conditions que celles clôturant leur exercice le 31 décembre 2019 ;
-Les entités dont la date de clôture de l’exercice intervient postérieurement au 20 mars 2020, doivent tenir compte de cet événement et de ses conséquences sur réévaluation de leurs actifs, passifs, charges et produits et servir l’ETIC, le cas échéant.
Article 6 : Le présent avis prend effet à compter de sa date de signature.
Conseil National de Comptabilité (CNC) du 29 Avril 2020.
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