Question :
Par lettre ci-dessus référencée, X a demandé des éclaircissements sur l’exercice en commun de la médecine en s’appuyant sur la loi n° 10-94 qui prévoit que les médecins peuvent constituer des sociétés régies par le Dahir des Obligations et Contrats ou sous forme de sociétés civiles.
A ce titre, des questions d’ordre juridique et fiscal ont été soulevées :
- Y a t- il une quelconque disposition interdisant aux médecins d’être associés dans une société civile professionnelle et de recevoir, à ce titre, des dividendes taxés dans les conditions de droit commun ?
- Sinon, si une telle société existe, serait-elle la seule à déclarer son résultat fiscal ? ce qui dispenserait normalement les médecins associés, qui ne seraient plus soumis à la taxe professionnelle à titre individuel et personnel, à déclarer des revenus professionnels ;
- Ces médecins peuvent-ils, dans cette perspective, être salariés de la société civile professionnelle comme le stipule la Note circulaire n°717 du CGI et recevoir à ce titre un salaire taxé comme tel du point de vue fiscal ?
Réponse de la DGI du 12/03/2015 :
Avis de la DLECI
L’examen de ces questions soulève des observations sur le plan juridique et fiscal.
1- Sur le plan juridique
L’exercice de l’activité de médecine est actuellement régie par la loi n° loi n° 10-94 du 21 novembre 1996, qui fait l’objet d’une refonte globale dans le cadre d’un projet de loi n° 131-13 qui a été adoptée par la Chambre des représentants, en deuxième lecture, le 04 février 2015 (en cours de publication au BO).
Ce projet vise justement à clarifier les dispositions de la loin°10-94 en vigueur pour éviter les divergences d’interprétation et l’ambigüité des rédactions, notamment par rapport aux questions posées relatives à la nature de l’activité de la médecine, des formes juridique d’exploitation des cabinets médicaux et des cliniques, des autorisations, contrôle, etc.
Effet, la loin°10-94 prévoit actuellement que la médecine est une profession qui ne doit en aucun cas ni d’aucune façon être pratiquée comme un commerce et que nul ne peut accomplir aucun acte de la profession médicale s’il n’est pas inscrit à l’Ordre national des médecins dans les conditions prévues par la loi et les textes réglementaires.
Cette loi prévoit que l’exercice activité de médecine s’opère, pour le secteur privé, dans un cabinet médicale ou dans des cliniques qui sont autorisés et contrôlés par l’Ordre régional des médecins, conformément aux normes fixées par l’administration. Afin de permettre aux médecins la mise en commun des moyens nécessaires à l’exercice de leur profession, la loi n°10-94 précitée leur permet de constituer des associations ou sociétés régies par Code des obligations et contrats (DOC) et précise qu’en aucun cas, les contrats ou conventions établis pour les constituer ne peuvent prendre la forme d’une société dénommée par la loi comme société commerciale.
Les contrats ou conventions précités doivent faire l’objet d’un écrit qui doit être conforme aux lois régissant l’exercice de la profession médicale et au Code de déontologie et doivent être revêtus du visa du président du conseil national de l’Ordre des médecins qui s’assure de la conformité des clauses qu’ils comportent aux conditions prévues par la loi. Les clauses de ces contrats ou conventions doivent, en particulier, assurer l’indépendance professionnelle des médecins.
Pour clarifier cet aspect relatif à l’exercice en commun de la médecine, le projet de loin°131-13 précité a précisé, dans son article39, que les médecins peuvent exfolier en commun un cabinet médical, sous l’une des formes de sociétés visées au DOC, à condition que l’objet exclusif de la société soit l’exercice de la médecine et qu’elle porte la dénomination de société civile professionnelle des médecins.
Cet article précise également que ladite société doit avoir son siège dans le cabinet médical commun et les médecins associés doivent être inscrits à l’ordre régional des médecins et leur domicile professionnel dans le cabinet médical commun.
En ce qui concerne, les cliniques, la loi n°10-94 en vigueur les définit comme tout établissement poursuivant un but lucratif ou non, quelle que soit leur dénomination, ayant pour objet d’accueillir des malades. L’exploitation d’une clinique est soumise à une autorisation administrative préalable et doit répondre à des normes de classement en considération des fonctions médicales, des installations et des normes techniques déterminées par la loi.
Pour clarifier la question du statut juridique des cliniques, la note de présentation du projet de loi n°131-13 précité a précisé que ce projet vise d’une part l’ouverture du capital de cesétablissements aux investisseurs n’ayant pas la qualité de médecin et d’autre part, à consacrer la pratique de création des cliniques sous forme de société commerciale qui se fait actuellement en marge de la loi n° 10-94 précitée.
Pour se faire, le projet de loi n° 131-13 précité a prévu que la clinique peut être la propriété d’une personne physique, à condition qu’elle soit médecin, ou propriété d’un groupe de médecins ou d’une société commerciale ou d’une personne morale de droit privé n’ayant pas de but lucratif.
2- Sur le plan fiscal
L’activité de médecine est considérée, sur le plan fiscal, comme une activité professionnelle soumise aux impôts, droits et taxes en vigueur dans les conditions de droit commun.
En effet, conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi n° 47-06 relative à la fiscalité des collectivités locales et de la nomenclature des professions annexée à cette loi, l’activité de médecine est considérée comme une activité professionnelle assujettie à la taxe professionnelle.
Cette activité est également soumise à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés selon qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale.
2-1-Pour les personnes physiques
Le médecin qui exerce, à titre individuel, dans un cabinet médical est soumis à l’IR/ revenu professionnel dans les conditions de droit commun.
Lorsque plusieurs médecins mettent en commun leurs moyens pour exercer à titre individuel dans un même cabinet, chaque médecin est imposé, dans ce cas, séparément au prorata de la partie occupée dudit local et des charges supportés, sur la base des clauses des contrats ou conventions d’associations établis par les parties conformément à la législation et la réglementation régissant l’exercice de l’activité de médecine.
2-2- Pour les personnes morales
Les sociétés ou autres personnes morales autorisées à être constituées pour l’exercice de l’activité de médecine, conformément à la législation et la réglementation en vigueur, sont passibles de l’impôt sur les sociétés dans les conditions (IS) de droit commun.
En effet, l’article 2 du C.G.I. prévoit que sont obligatoirement passibles de l’IS, toutes les sociétés quelque soit leur forme et leur objet, y compris les sociétés civiles, à l’exclusion de celles visées à l’article 3 du même code.
S’agissant des trois questions posées par X en matière d’IS, celles-ci nécessitent les éclaircissements suivants :
- Concernant à la première question relative au droit d’association des médecins dans unesociété civile professionnelle :
Il faut rappeler que ce droit est actuellement régit par la loi la loi n° 10-94 relative à l’exercice de la médecine et que l’interprétation des dispositions législatives de cette loi ne relève pas des attributions de la DGI, sachant que le projet de loi n° 131-13 modifiant ladite loi prévoit plusieurs modifications qui clarifient les aspects juridiques soulevés dans cette question.
Sur le plan fiscal, si des médecins sont autorisés, dans les formes et conditions prévues par la loi n° 10-94 relative à l’exercice de la médecine et par ses textes réglementaires, à constituer une société civile professionnelle pour l’exercice de l’activité de médecine, cette société sera soumise à l’IS conformément aux dispositions de l’article 2 du CGI précité.
Les produits des actions, parts sociales et revenus assimilés que ladite société verse, met à la disposition ou inscrit en compte des associés, personnes physiques ou morales, sont soumis à la retenue à la source, en application des dispositions des articles 4-I et 158 du CGI.
- Concernant la deuxième question posée relative à la déclaration du résultat fiscal par la société civile professionnelle :
De part son statut de société soumise à l’IS, cette société est tenue au respect de toutes les obligations déclaratives prévues par le CGI, y compris le dépôt de la déclaration du résultat fiscal et du chiffre d’affaires prévu à l’article 20 du CGI.
Il est à signaler, à ce titre, que l’article 151-II du CGI prévoit que s’il s’agit des cliniques et établissements assimilés, celles-ci sont également tenus de produire en même temps que la déclaration prévue par l’article20 précité, une déclaration annuelle relative aux actes chirurgicaux ou médicaux que les médecins soumis à la taxe professionnelle y effectuent.
Pour les médecins non soumis à la taxe professionnelle qui interviennent dans ces cliniques et établissements, une retenue à la source doit être opérée, pour le compte du Trésor, sur les honoraires et rémunérations qui leur sont versées et une déclaration annuelle doit être produite pour ces honoraires et rémunérations, en application des dispositions des articles 151-III et 157 du CGI.
- Concernant la troisième question posée relative à la possibilité pour les médecins associés d’être salariés de la société civile professionnelle :
Sur le plan fiscal, la Note circulaire n°717 relative au CGI (Tome 1-page 143) fait la distinction entre la rémunération d’un travail ou d’une fonction accomplie par les dirigeants de la société ou l’exploitant et la participation aux bénéfices nets de cette société.
En effet, les rémunérations allouées aux dirigeants des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés sont déductibles du résultat fiscal, dans la mesure où elles n’excèdent pas la rétribution normale des fonctions exercées par les intéressés. Il s’agit généralement des rémunérations rétribuant un travail effectif ou une fonction spéciale (jetons de présence spéciaux).
Quant aux sommes versées à un associé, correspondant à la participation aux bénéfices de la société, celles-ci ne sont pas déductibles du résultat fiscal, car elles ne sont pas considérées comme des charges.